Panique
à bord, la Chine se débarrasse de ses bons du Trésor US !
(et
ses réserves de change fondent « comme au neige au soleil »)
Si
les médias français sont comme à leur habitude préoccupés par la météo des
plages et les kilomètres de bouchons sur les autoroutes françaises, les
journalistes de Zerohedge (ZH) ont choisi de nous interpeller ce 22 juillet sur
ce qui se passe en Chine.
En
juin dernier, la banque centrale de Chine (« People Bank Of China »
ou POBC) a publié son compte de réserves de change (devises dont principalement
des US dollars mais aussi et dans une moindre mesure des Euros et des Livres
Sterling) indiquant un solde de 3694 Mds USD autrement dit une baisse mensuelle
de 0,46% ou 17,3 Mds USD.
Ce
pourcentage, me diriez-vous, ne vous semble pas extraordinaire excepté que… de
janvier à avril de cette année le courtier de la PBOC en Europe, la « Belgium
Treasury Holding » en accord avec Euroclear (https://fr.wikipedia.org/wiki/Euroclear) avait déjà vendu approx.163 Mds USD de
bons du Trésor US (« US Treasuries »), le stock de la PBOC passant en
cinq mois de 1590 Mds USD à 1427 Mds USD. Les médias avaient pourtant annoncé
une augmentation de ces mêmes bons de 3,28% passant de 1230 Mds début mars à 1270,3
Mds USD en avril tout en se gardant bien de nous révéler la vente de tels titres
par la filiale européenne de la POBC !
Le
rapport avec les réserves de change, pourriez-vous me demander ? Un point
à savoir: l’excédent commercial chinois est en principe réglé en dollar US, ces
mêmes dollars sont ensuite réinvestis dans les T-Bonds US. L’excédent doit en
principe accroître la quantité d’USD détenus par la PBOC, d’autant plus si elle
revend des bons à une maturité et montant donnés contre d’autres bons, cette
quantité ne peut que s’accroître.
En
clair et jusqu’à présent, la Chine n’utilise sa monnaie nationale que pour son
marché intérieur; l’international, importations ou exportations sont une source
de devises et plus précisément de dollars. Partant de ce constat, que se
passe-t-il réellement quand les devises et les avoirs libellés en USD
baissent ?
Revenons
à nos bons du Trésor : 142,5 Mds USD ont été vendus en trois mois entre
Mars et Mai, quantité à première vue inhabituelle et en contradiction avec ce
qui a été annoncé officiellement.
Selon
l’analyste de JPMorgan (JPM), Nikoleos Panigirtzoglou, auteur du livre « Flows & Liquidity dont le
commentaire est repris par Zerohedge, les réserves de change ont baissé de
50 Mds USD au deuxième trimestre soit une baisse totale de 160 Mds de devises
entre le troisième trimestre 2014 et le deuxième trimestre 2015.
Il
s’agit bien selon lui d’une fuite de capitaux hors de Chine pour le 5ème
trimestre d’affilé et rappelle que ces 142 Mds USD du deuxième trimestre sont à
peu près équivalent à ce qui est sorti au premier trimestre soit une fuite
de……. 520 Mds USD sur les cinq derniers trimestres (en englobant cependant dans
ce chiffre les bons US et tout ce qui y est affilié et libellé en USD) ce qui permet
à Tyler Durden de Zerohedge de conclure que la baisse des actions sur les
places chinoises est un leurre. On peut cependant en tirer la conclusion
provisoire que la Chine se fait désormais payer en renminbi et qu’elle vend
d’autres avoirs libellés en USD que des « Treasuries » US.
Cité
par ZH, Goldman Sachs (GS) nous rappelle que l’excédent commercial chinois
était de 260Mds USD au premier semestre 2015, nouveau record si on le compare
au 100 Mds USD du premier semestre 2014 et au 75Mds de la même période sur les
sept dernières années.
Une
fois encore, on peut en déduire le trait suivant: si les marchandises chinoises
sont payées en dollars, les réserves de change ne peuvent qu’augmenter sauf si
elles sont converties en renminbi ou mieux, si ces produits sont payés en
renminbi. Fort de cette dernière hypothèse, plus le renminbi s’appréciera et
sera utilisée dans les transactions internationales, moins il sera nécessaire
d’avoir de grosse quantité de devises par la banque centrale.
Autre
constat: il est vrai que les importations ont augmenté accroissant la réserve
de change mais au vu de la faible amplitude de ces achats de produits
étrangers, la magnitude de cette fuite
de capitaux ne peut s’expliquer sous cet angle.
GS
nous rappelle que de la fin mars à la fin juin 2015, les réserves ont diminuées
de 37Mds USD.
De
janvier à fin mars, celles-ci ont diminué de 83Mds principalement dû à la
baisse de l’Euro dans les comptes de la PBOC. A l’inverse, la diminution de 37
Mds USD d’avril à fin juin conjuguée à la remontée de la monnaie européenne a
entrainé une perte de change de 48Mds USD ce qui nous donne une fuite totale de
85 Mds USD.
L’excédent
commercial étant de 140 Mds USD convertis en renminbi, GS les ajoute aux 85 Mds
donnant une somme finale de -225 Mds USD que l’on peut arrondir à 200 Mds USD si
l’on inclut le déficit des services.
200
Mds USD au second trimestre contre 83 Mds au premier trimestre, il s’agit une
fois de plus d’une baisse inédite.
Multiplions
par quatre ces 200-225 Mds, et nous obtenons 1000 Mds de pertes annuelles, d’où
l’interrogation légitime de ZH sur la santé réelle de l’économie chinoise, son
marché actions et le contrôle des capitaux qui reste en principe subordonné à une
réglementation stricte.
Selon
GS, le marché actions doit s’ajuster mais le point de renversement n’est cependant
pas encore arrivé. Tyler Durden souligne d’ailleurs que les réserves en Chine
ont toujours été excédentaires: un changement de cet état de fait serait-il la
source de la baisse des places chinoises?
De
même pertes de devises et ventes de « US treasuries » en un semestre
ne doivent pas masquer le fait que Beijing possède quelques 1300 Mds USD d’US
bonds mais une double interrogation se pose in fine:
- Qu’arrivera-t-il à ces bons si à
maturité il n’y a plus d’acheteurs?
- Combien de bons la Chine peut encore
vendre avant que le monde entier s’en aperçoive en dehors bien sûr de JPM, GS
et ZH ?
Si
la vente des bons ne fait que commencer, quelle sera la stratégie de la
FED se demande Tyler Durden? Il sera évidemment inutile d’augmenter
les taux de la FED si le marché reçoit des centaines de milliards de bons dans
un marché financier sous perfusion de liquidités ! Se dirige-t-on vers un
QE4 ??
Courant
2014, faut-il le rappeler, la Chine avait annoncé qu’elle allait cesser
d’augmenter ses réserves d’or et de dollars US signifiant pour Dmitry
Kalinichenko sur le Cercle des Volontaires qu’au regard du déficit américain en
provenance de Chine (-324 Mds USD en 2014 pour le commerce de marchandises), la
Chine arrêterait de payer en USD ne provoquant par ailleurs aucune réaction des
médias à l’époque. Comme je l’ai évoqué au début de l’article, les dollars US continueront
d’être acceptés mais seront immédiatement convertis en renminbi, en or ou
autres devises.
L’impact
premier de ne plus acheter de bons du Trésor US avec des dollars est de facto de
réduire la capacité de financement du Trésor US. Le changement de stratégie (voir
plus haut) de se faire payer en renminbi contribuera à assécher la souscription
de bons. Il est aussi fort possible que Beijing se fasse payer également en or
physique comme le fait déjà la Russie ce qui repose le problème d’un marché de
l’or physique aux dimensions microscopiques (280 Millions d’or livrés par mois)
au regard de l’ampleur des échanges mondiaux. Un tarissement du financement du
Trésor et du déficit commercial des USA par la montée en puissance du renminbi,
de l’or physique et de l’alliance Russie-Chine sous couvert de BRICS correspond
à un changement de paradigme.
Depuis
2011, la Chine est vendeuse nette de bons avec 45 Mds USD et 89 Mds USD en août
et décembre 2011, période à laquelle correspondait le relèvement du plafond de
la dette US. Depuis cette date, la Chine n’achète plus de bons par le recyclage
de ses USD provenant de son excédent commercial. Ses détentions d’or physique se
sont par contre accrues de 600mt tel qu’il a été annoncé courant juillet 2015
soit au total 3510 mt d’or selon Bloomberg !
Est-ce
que la Chine redoute une augmentation du déficit US et donc un relèvement des
taux ce qui ferait baissait la valeur des obligations qu’elle détient et
l’obligerait à les convertir d’abord en USD, puis en renminbi ? Ni GS ni
JPM ne peuvent répondre à cette simple question.
On
peut spéculer sur d’autres indices comme la chute du DAX à Francfort de près de
6% en une semaine. Serait-ce un signal de l’économie allemande consciente de ce
qui se passe en Chine, de ce retournement de tendances de l’économie
mondiale ?
Joseph
Farrell sur son blog soumet une hypothèse des plus intéressantes. Et si la FED
était en train d’acheter les bons vendus par la Chine via ses QEs? Il nous
rappelle que le gouvernement Tanaka (premier ministre du Japon du 7 juin 1972
au 9 décembre 1974), devant l’arrivée à maturité des bons du Trésor et
comprenant que les finances publiques n’étaient pas en mesure de rembourser ses
créanciers décida d’émettre de nouveaux bons. Ces derniers devaient remplacer
ceux existants mais comportaient de tels vices de forme que les autorités finiraient
par les déclarer nuls. En réalité les détenteurs de ces nouveaux titres purent
se les faire rembourser mais contre un discount si important qu’ils en
devenaient une aubaine pour le gouvernement et… une méga-escroquerie pour les
détenteurs… S’agit-il du même cas de figure? Les bons US détenus par la Chine comportent-ils
de tels vices que celle-ci chercherait à s’en débarrasser en acceptant un
rabais sur le prix de rachat ?
Il
reste qu’une telle hypothèse porterait atteinte à la crédibilité des USA et que
cette crédibilité est un élément essentiel de l’opération de séduction de la
POBC par les diplomates américains pour le financement du Trésor. L’hypothèse
d’un désengagement progressif de la Chine d’une économie mondiale dominée par
les USA n’est pas à exclure: la volonté de se recentrer sur sa propre monnaie, elle-même
assise sur des excédents commerciaux importants, sur l’or physique et sur des
rapports commerciaux redéfinis autour de la fourniture de matières premières
essentielles avec la Russie mais aussi avec l’Afrique et le reste des BRICS (voir
les articles précédents sur «the Great Silk Road »).
Cette
perspective doit toutefois être tempérée: l’excédent commercial reste essentiellement
financé par les américains et les européens et il serait hasardeux d’envisager
une rupture brutale de la Chine avec le système US.
La
montée en puissance du renminbi devrait, quoiqu’il en soit, permettre à la
Chine d’avoir une position décisionnaire dans le commerce mondial et de moins
dépendre des dollars US. Pour preuve l’émission d’obligations souveraines et
privées en renminbi au Royaume Uni, en Allemagne, Hong Kong et Singapour signifie
aussi que les bons US seront très probablement libellés en renminbi.
D’où
l’ultime question posée par ZH: que se passera-t-il quand les acheteurs de
T-Bonds arrêteront leurs souscriptions devant ce déferlement de titres vendus
par la Chine?
Sources:
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