vendredi 12 décembre 2014

Prédation économique, bipolarisation du monde
(l’étau se resserre- 2ème partie)

Un marché digne de ce nom réagit à l’inflation d’une seule manière: en cas de hausse des prix, les taux d’intérêts augmentent.

Une demande de consommation/d’investissement croissante, directe ou indirecte (par les coûts à travers l’énergie et les matières premières) ou une masse monétaire accrue (plus de monnaie en circulation par une hausse des revenus et l’augmentation de crédits) auront le double effet d’une augmentation des prix d’une part et d’une baisse de l’épargne d’autre part.

Si les agents économiques consomment plus, ils épargneront donc moins (moins de dépôts, plus de retraits de livrets bancaires ou d’assurance-vie) ce qui bénéficiera aux entreprises et aux salariés aux dépens des rentiers (banques, fonds de placements). Ces derniers, afin de réorienter cette liquidité vers les placements, chercheront à en accroître l’attractivité par un relèvement des taux d’intérêt, eux-mêmes renchérissant in fine les prêts. Autrement dit, lorsqu’il y a inflation, les taux d’intérêt augmentent.

Inversement, quand il y a désinflation (baisse du taux d’inflation) ou déflation (baisse des prix), la courbe des taux fléchit. Une épargne importante déterminera la demande de consommation qui se tendra de nouveau, l’utilité de placer ses liquidités étant redevenu faible.

De ce petit rappel, le grotesque de la situation depuis 2008 est évident. Les prix ont en effet continué à grimper dont notamment ceux du gasoil, des fruits et légumes et de l’immobilier. Alors que les taux auraient dû être relevés par un refinancement plus couteux de la BCE, ceux-ci sont restés bas à l’instar de la politique menée par la FED. Par nécessité d’apurer leurs bilans de créances douteuses, la BCE s’est empressée de reprendre ces titres directement ou indirectement (via les MES et FESF) ayant ainsi le double effet d’une part d’accroitre le niveau de son bilan et d’autre part d’abonder en liquidité les caisses des établissements de crédits, leur offrant la possibilité à vil prix de nettoyer leurs comptes.

Ententes pleines et entières entre banques centrales et privées, entre BCE et marchés financiers, la combinaison entre une surliquidité et son corollaire indispensable, l’absence de prêts à l’économie réelle a mené à ce non-modèle qu’est la stagflation à savoir une croissance quasi-nulle et une inflation contenue.

Pourquoi en effet relever les taux et réorienter la monnaie vers l’épargne alors que les banques n’en ont absolument aucun besoin depuis l’ouverture au milieu des années 1990 des marchés à la finance débridée ? Ce semi- arrêt des emprunts aux ménages et aux entreprises (principalement celles qui ne peuvent faire appel public à l’épargne soit les PME) permit de facto de renchérir le loyer de l’argent (si vous empruntez 300000€ à 3% avec un apport de 50%, le taux ne sera donc pas de 3% mais du double, l’opportunité de placer les 50% ayant disparu !) et d’éviter le spectre de l’hyperinflation à savoir la non-corrélation entre la valeur de la monnaie et celle des biens : quand vous avez un PIB de 2000 Mds€ et une masse monétaire de 100 000 Mds€, l’économie réelle ne vaudra que 2% de la monnaie en circulation ! les 98% autres ne valant plus rien !

Verrouillage de l’accès aux crédits, refinancement des banques privées aboutissant à la fameuse trappe de liquidité, politiques d’austérité visant à renflouer les finances publiques sans prise en compte des  effets démultiplicateur sur la consommation, chômage massive (25 Millions de demandeurs dans l’UE …..en 2012 !), voilà donc l’état de l’UE en cette fin de 2014 !!

A cette faiblesse économique s’ajoute une faiblesse politique comme l’ont montrée les derniers sommets de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) et du G20, dichotomie désormais claire (mais non achevée) entre le bloc américano-occidental et celui des BRICS. Outre la dimension pathétique des médias à se centrer sur la « figure isolée et faible » de Vladimir Poutine, nous pouvons qu’être dubitatif sur la santé de nos démocraties et l’étendue de nos libertés d’expressions, du moins celles autorisant le débat citoyen !

Ce qu’il ressortit en premier lieu de ces rencontres est le soutien officiel de la Chine à la Russie et en particulier à Poutine (invité d’honneur de la Chine à l’APEC) contredisant le rapprochement inexorable de Pékin vers Washington du fait même de leur détention massive de bons du Trésor US. De nombreux méga-contrats ont donc été signés avec Moscou et les banques chinoises ont offert à leurs homologues russes l’accès à leurs crédits, banques russes actuellement sous la coupe des sanctions occidentales. A ce volet commercial s’est ajouté la décision d’exercices militaires (sol et mer avec création d’unités de commandes conjointes) ce qui parfait une évolution entamée par la mise en place de structures supranationales à savoir : le SCO (Shanghai Cooperation Organization), le CSTO (Collective Security Treaty Organisation) et le EEU (Eurasian European Union).

Pour rappel le SCO a été institué en 2001 et réactivé cette année par le fait de l’agressivité de l’OTAN dans l’affaire ukrainienne. Il comprend, outre la Chine et la Russie, les Etats de la CEI d’Asie Centrale: Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan. Il ne s’agit ni plus ni moins d’une coopération directe entre la Chine et la sphère russe à travers différents organes, un budget propre et un secrétariat pour des objectifs de sécurité et économiques.

D’un côté des exercices militaires conjoints sont menés autours des questions du terrorisme et du séparatisme, de l’autre des projets géo-économiques sont nécessaires à l’indépendance de ses membres: gaz, hydrocarbures, ressources d’eau sont des axes de réalisation pour une mise en commun de la prospection, projets soutenus par une banque du SCO et par le développement d’un « energy club » (sous l’impulsion de la Russie.). Géo-économie, lutte contre le terrorisme ne sont cependant que les éléments d’un plus vaste ensemble, celui d’une organisation de défense commune dont le CSTO préfigure un devenir sino-russe.  

L’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC en français) regroupe la Russie, la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan, le Tadjikistan, et le Kirghizistan. Créée le 7 octobre 2002 et effective depuis le 18 septembre 2003, il s’agit clairement d’une structure de type Otan à vocation militaire dotée de différents niveaux dont une DCA commune, une force d’intervention rapide, des missiles russes en Biélorussie et dans l’enclave de Kaliningrad, des systèmes radar en Crimée, Transnistrie, Caucase, Abkhazie et Ossétie du Sud, etc. 

La Chine pourrait aisément s’unir au CSTO soit par des rencontres directes sur des questions stratégiques soit indirectement sur des enjeux économiques et douaniers dont l’EEU ou Union Eurasienne, alors étendue, couvrirait cette nouvelle route de la soie des frontières de la Biélorussie et de l’Arménie aux côtes chinoises.


Montée en puissance d’un bloc alternatif et bicéphale contrôlant 20% des réserves pétrolières mondiales et 50% des réserves gazières, l’UE et la France sont ainsi à la croisée des chemins et seront contraintes à se redéfinir dans une histoire qui tend étrangement ces derniers temps à s’accélérer.