Baisse de l’Euro:
explication en trois points
L’évolution
de l’Euro depuis 2011 tend à prendre une forme en W, un W qui serait amputé pour
le moins de sa dernière branche.
Du
29 avril 2011 au 20 juillet 2012 le cours Euro/Dollar passe de 1,48 USD à 1,21
USD avant de remonter autour de 1,37 USD le 21/03/2014 et fléchir vers un seuil
de 1,04USD le 13/03/2015. Il s’y maintient depuis autour de 1,09USD (24/07).
Cette
baisse peut se décomposer en deux temps: une phase lente entre avril et août
2014 avec un cours restant au-delà des 1,34USD et une phase abrupte de la
mi-2014 jusqu’au mois de mars 2015.
Comment
dès lors expliquer le paradoxe suivant: les exportations de la zone euro sont
en pleine croissance et dans le même temps la monnaie européenne ne se valorise
pas. Plus précisément comment se fait-il que l’Allemagne ait enregistré un
excédent commercial entre 2013 et 2014 de +11,4% induisant celui de l’Euro-zone
de +17,45% alors que l’euro s’est déprécié pendant 9 mois continus en
2014 ?
I- La remontée du dollar
dans son attaque sur le rouble
Il
y a d’abord une baisse technique à l’euro: entre la mi-2014 et ce début d’année
sur fond de crise géopolitique USA-OTAN/Donbass-Russie les fonds
d’investissement ont revendu de forte quantité de roubles contre des dollars,
renchérissant celui-ci sur les places financières. De 34,89 roubles au 30 mai
2014 à 69,4 roubles au 30 janvier 2015, la hausse a été continue avant de fléchir
début février pour toucher les 50 roubles au 22 mai. Le dollar a depuis repris
de la vigueur pour atteindre les 58,59 roubles au 24 juillet.
Pendant
tout le premier semestre 2014 le dollar s’apprécia contre le rouble et par
extension contre l’Euro. La monnaie américaine fit l’objet d’achats massifs valorisant
son cours contre des monnaies fortes comme l’Euro (celui-ci passa de 1,37 à 1,24 USD soit - 9,5%) ou le
Franc Suisse (0,78 francs au 14 mars 2014 à 1,01 francs au 9 janvier 2015 soit
une baisse de 16%!).
II- La politique monétaire
de la BCE
En
annonçant un programme de prêts de 1000 Mds€ d’ici septembre 2016 à raison de
60 Mds€/mois, la BCE lance une vaste opération de refinancement des banques
privées avec des termes pouvant allant jusqu’à 2018.
Targeted
Long Term Refinancing Operations (T-LTRO) est la désignation officielle d’un
emprunt des banques à la BCE à un taux abaissé en mars 2015 à 0,05% contre
garanties (« collateral ») privées. De même, la BCE s’engage à
poursuivre des prêts à très courte échéance dit MRO (Main Refinancing
Operations).
Le
24 septembre 2014, la BCE a lancé sept
opérations T-LTRO d’une valeur totale s’élevant à 463 Mds€ (plus un prêt MRO à
7 jours de 75 Mds€) ce qui correspond à la baisse de l’Euro début septembre
2014. Pour mémoire, on était à 1,35 USD au 8 août 2014, on passe à
1,25USD au 3 octobre soit une baisse de -7,41% !
La
crise grecque aidant, la BCE a racheté aux banques 504 Millions€ de dettes
publiques sur le marché secondaire à travers ce qu’elle appelle des Opérations
Monétaires sur Titres (ou Outright Monetary Transactions).
Au
total, des 211 Mds€ du dernier trimestre 2014, nous sommes passés à partir de
mars 2015 à plus de 327 Mds€ en incluant MRO et OMT ce qui fit chuter l’Euro à
une quasi-parité avec le dollar.
III Mesures « austéritaires »
et limites
Ce
programme de QE à l’européenne répond avant tout à un besoin systémique de
financement des banques. Elles sont obligées, dans une optique de court-terme
et de marges commerciales décuplées, de spéculer sur des dérivés dont les
sous-jacents ne peuvent être que des éléments d’un patrimoine quant à lui bien
réel.
Actions
et obligations correspondent à des entreprises dont les performances prennent
en compte non pas des perspectives de places financières mais l’évolution d’une
demande donnée pour un produit en particulier.
Les
garanties à toutes ces transactions ne peuvent être que des avoirs dont la
valeur ne se déprécie que faiblement dans le temps, dont la volatilité reste
faible ce qui est le cas de l’immobilier, de l’or et des bons du Trésor. Il est
ainsi crucial pour le Système de ne pas spéculer sur tout, que l’immobilier et
l’or ne deviennent pas des « commodities » à l’instar des actions ou
des obligations et de garder une partie de ce tout comme contrepartie ultime à
la survalorisation des actifs.
La
BCE, telle une FED aux petits pieds se
doit d’injecter de la liquidité à des taux quasi-nuls à la seule condition
de récupérer dans son actif des avoirs de qualité: immobilier, métaux précieux
et bons du Trésor.
Je
ne m’attarderai pas sur l’or sauf à dire que les Etats membres et la BCE
cherchent à récupérer ce qu’ils peuvent et se félicitent de la baisse
artificielle des cours organisée par la FED, l’or redevenant une valeur de
référence et non plus un objectif de spéculation. (cf http://visionsetperspectives2020.blogspot.com/2015/07/placementor-fuir-sinous-observons.html?spref=tw)
L’immobilier
reste spéculatif principalement sur le commercial, les faibles taux ayant
découragé les banques de prêter aux ménages ce qui était un effet connexe
recherché. La lutte contre ces bulles consiste à redonner une valeur réelle aux
avoirs afin que ceux-ci servent de collatéraux aux transactions financières.
Enfin,
les bons du Trésor induisent des Etats aux finances publiques saines et on ne
peut comprendre l’austérité que dans cette perspective.
En
réduisant les dépenses publiques, en faisant passer ce qui était l’apanage du
secteur public au secteur privé, les Etats réalisent un double profit:
-
Celui, d’une part, de réduire la dépense
(dont les intérêts de la dette sont une partie importante) et
-
d’encaisser, d’autre part, le prix de
vente de biens et d’établissements publics. Il va sans dire que l’objectif est de poursuivre le
relèvement des recettes fiscales pour là encore répondre aux objectifs de
déficits imposés par le Traité de Lisbonne.
L’hypothèse
d’un Euro sous la barre des 1 USD reste faible sauf à pénaliser les balances
commerciales de la Zone, Allemagne en tête. Une alternative dans cette
perspective serait une plus grande production et intégration économique: la
réduction des coûts de la main d’œuvre serait poursuivie par la mise en place
d’une sous-traitance plus avancée dans ce qui constituerait une confusion à peine
dissimulée entre un Etat membre et une organisation supranationale. Pour le
dire autrement, plus l’Euro baissera, plus l’intégration de l’UE sous emprise
allemande sera forte.
Cette
hypothèse est aussi combattue par l’argument d’un dollar non surévalué. Tant
pour leurs importations que pour la santé de leurs exportations, les Etats-Unis
ont intérêt à un Euro au-delà des 1USD ou alors ils devront s’atteler à réduire
les obstacles douaniers à la commercialisation de leurs produits….. ceci est
exactement l’objet du traité transatlantique en cours de négociation…
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