Bourse:
vers un krach obligataire?
Qu'est-ce qu'un taux d’intérêt? ni plus ni moins que la traduction d’une demande de
financement contre un prix convenu entre un prêteur d’une somme d’argent et un
emprunteur, le premier pouvant être une banque (voire une institution
financière non bancaire), une entreprise ou plus rarement un ménage.
En dehors du contrat de prêt proprement dit, l’emprunt peut prendre la forme d’une obligation émise par l’emprunteur et cessible autant de fois qu’il en sera nécessaire par son détenteur. Elle est, avec l’action, ce qui définit primordialement notre modernité économique, les procédures de titrisation n’en étant que des succédanés.
En dehors du contrat de prêt proprement dit, l’emprunt peut prendre la forme d’une obligation émise par l’emprunteur et cessible autant de fois qu’il en sera nécessaire par son détenteur. Elle est, avec l’action, ce qui définit primordialement notre modernité économique, les procédures de titrisation n’en étant que des succédanés.
Quand
la demande est forte, les taux d’intérêt augmentent faisant baisser la valeur des
obligations déjà émises à des taux plus bas. Inversement, quand la demande est
faible ou l’offre trop abondante, les taux se relâchent et la valeur des
obligations préalablement sur le marché remonte.
Dans
une économie en croissance, une demande forte induit un besoin de financement en
investissements: à l’instar du fait inflationniste en règle générale, des taux
élevés sont le signe d’une bonne santé économique et d’une dynamique vertueuse
des mécanismes de marché, l’appétit pour l’épargne financière ou immobilière en
est un des signes. Cette dernière sert à nourrir aussi bien les investissements que la
consommation jusqu’à la limite d'un prix maximum atteint. Les taux fléchissent alors, les agents cherchent à éviter des surcoûts et à maintenir leur productivité; accessoirement, le marché pare aux bulles spéculatives.
Tout ceci bien entendu décrit un fonctionnement sain dans un cadre de régulation mesurée, les revenus étant appréhendés comme un facteur de croissance par les acteurs économiques (principalement les ménages).
Tout ceci bien entendu décrit un fonctionnement sain dans un cadre de régulation mesurée, les revenus étant appréhendés comme un facteur de croissance par les acteurs économiques (principalement les ménages).
Depuis
2009, la facilitation monétaire dite « Quantitative Easing », tant aux
USA par la FED que dans l’Euro-zone par la BCE (dans un style plus feutré) ont
contribué à l’augmentation de l’offre de liquidité disponible et baissé au quasi-nul
les taux d’intérêts et ce, malgré une inflation soutenue jusqu’en 2012.
Alors
qu’il aurait fallu une hausse des taux pour drainer les revenus d’activité et
les bénéfices des entreprises vers l’épargne et contribuer de facto à faire
face à la crise de liquidité des banques (une des conséquences des sub-primes),
les banques centrales ont fait l’exact contraire, sur l’insistance des
banques « Too Big To Fail » privées mais aussi de de Washington et Bruxelles !
Les
taux faibles ont non seulement découragé l’épargne (l’assurance-vie en
France par exemple) mais aussi l’investissement. Les entreprises cotées peinent
à retrouver des prêteurs en attente d’une remontée des taux (la fameuse
trappe à liquidités): après avoir été en stagflation, nous nous immergeons à
pas comptés dans les remous de la déflation, effet direct de la
baisse des coûts unitaires salariaux réels et du maintien des marges
bénéficiaires.
Plus
grave encore, les taux nuls ont engendré un biais dans la perception même du
risque. Contredisant les signes les plus élémentaires d’une bonne santé
économique (taux élevés pour une demande de fonds supérieure à l’offre), le
refinancement facilité par les banques centrales déforme les arbitrages et
distord les allocations d’actifs. En donnant une fausse image de marchés sécurisés,
des bulles spéculatives se sont créées dans les marchés actions, obligations et immobilier.
Une précision cependant: la déflation dans l’Euro-zone n’est pas la conséquence de la
baisse du prix de l’énergie. Le fléchissement avait commencé avant l’effondrement
des cours; les prix auraient dû repartir
à la hausse avec un indice Brent faible impactant le coût de production des autres produits, tel n'est pas le cas!
Que constatons-nous? Le
Brent a augmenté de 10,75% au mois de février ralentissant par un effet
mécanique une baisse de prix sur 12 mois de -0,3%; ces prix correspondent à des indices
sectoriels quasi nuls voire négatifs (commerce de détail, alimentation, santé, vêtements,
transports, immobilier, appareils de communications). La France suit cette
tendance avec en février une inflation de 0,2% soit -33% en un mois dont notamment
un indice des produits manufacturiers en net recul de -0,68%.
L’inflation désormais négative aux USA affiche un taux de -0,09 % en janvier 2015 confirmé en février à -0,03%. Un
recul de l’investissement (et notamment des machines-outils) entraînera
inexorablement un allègement de charges (dont celle de la main
d’œuvre) affaissant la demande de consommation et les bénéfices des entreprises avec la conséquence
alternative soit de faire remonter les taux soit de réinjecter des liquidités
et de faire imploser le système par des bulles spéculatives.
Lorsqu’une
entreprise enregistre une baisse de son bénéfice après impôts, les taux qui lui sont proposés sont élevés, le risque pour le préteur étant réel: quand toutes les
obligations précédemment émises dans l’Euro-zone à des taux proches du zéro ne vaudront plus
rien, les cours chuteront et feront exploser les dettes publiques, des défauts
supplémentaires s’en suivront inexorablement.
Ce
qu’il faut bien comprendre ici est la motivation première des marchés
financiers: la recherche d’un taux annuel rémunérateur! Il n’y a aucune
raison en effet d’investir pour un taux ne rapportant rien, la quête d’une proie telle qu’un Etat ou une entreprise
reste de mise, le krach étant consubstantiel aux mécanismes hétérodoxes mis en place par les banques centrales et les Etats les gouvernant.
Si
nous analysons les indices Standard & Poor’s (S&P), « l’International Corporate Bond » (obligations des
entreprises hors USA) sur 10 ans ne s’est aucunement valorisé en trois ans alors
que les obligations souveraines dans l’Euro-zone se sont valorisées de 38,50% ce qui en clair n'est ni plus ni moins qu'un effondrement des taux! Plus précisément l’indice S&P
des obligations sur 10 ans de 2009 à 2015 donne un rendement annuel de 4,53% mais
un rendement à maturité de seulement 1,22% (valeur de l’obligation
conjuguée à son taux annuel et à sa durée) pour une valorisation de plus de 79%
depuis 2009. Le constat est identique pour les maturités de 7-10 ans (rendement
au terme de 0,63%!) et de 5-7 ans (0,37%).
Significativement les taux du Trésor français sur 10 ans sont de 0,43% pour une
moyenne de 1,43% dans l’Euro-zone.
Lorsque
nous prenons acte d’un retrait de chez PIMCO (premier fond obligataire mondial)
de 27,5 Mds USD en octobre 2014 (après une décollecte de plus de 65 Mds USD
depuis mai 2013) assorti de la démission de son associé fondateur Bill Gross,
nous avons l’obligation de nous poser des questions sur la viabilité d’un
système générant 14 495 Mds USD d’obligations uniquement sur le marché
américain dont 6664 Mds USD d’obligations souveraines et 6 215 Mds USD d’obligations
émises par des institutions financières.
Une
sortie de l’Euro-zone de la Grèce peut provoquer un krach obligataire mais il est aussi certain qu’une poursuite de la déflation au-delà de tous les
QEs de la BCE n’en sera pas moins un facteur déclencheur: comment en effet appréhender
un taux d’emprunt du Trésor français de 0% émis à la date du 13 mars 2015
autrement que par la prise de conscience d’un terrible aveu d’impuissance et de
résignation des gouvernements en place ?
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