mercredi 28 octobre 2015

Le jeu américain (UE, Moyen-Orient) - Partie 1


Le Traité Transatlantique (TTIP ou TAFTA en anglais) entre l'UE et les USA marquera une étape importante dans la stratégie globale des USA, la vassalisation de l'UE en étant qu'une étape (il existe le pendant du TTIP pour l'Asie avec le Traité Trans-Pacifique, lui-même barrage à toute émergence d'un monde multipolaire autour des BRICSA). Le TTIP représente en quelque sorte le volet économique de l'OTAN et sera, si le calendrier de la Commission est respecté, signé fin 2015 voire en début 2016 dans l'ignorance la plus totale des peuples.

En France, ni de référendum ni de loi votée par le parlement ne sont prévus pour sa ratification, seul l'UE en sera compétente en vertu du traité de Lisbonne. Le TTIP couvrira in fine tous les secteurs d'activité même s'il est fort possible pour des raisons politiciennes que des clauses transitoires de mise aux normes soient prévues dans des domaines telles que les services publics, les transports ou la culture. 

La mise en forme d'un marché captif pro-américain est visée ici avec en ligne de mire le démantèlement de ce qui reste de marchés protégés (dont l'enseignement, l'armement, la santé, les services sociaux et le droit du travail). Ce nivellement ouvrira des débouchés aux produits américains dans des domaines où ils sont encore peu présents en Europe et favorisera les fusions-acquisitions de sociétés qui ne seraient pas dans la ligne (cf ce qui est un avant-goût d'une mise au pas avec les amendes infligées à la BNP ou au Crédit Agricole voire l'affaire Volkswagen). 

Cette mise en place, nous le voyons aussi, ne peut se faire qu'avec la coordination de l'Allemagne dans son contrôle sur les Etats membres. Nous avons eu un aperçu de sa brutalité dans le traitement de la crise grecque, il se peut donc que le TTIP ne représente que le cadre légal d'une homogénéisation par étapes du marché européen, une approche par cercles concentriques en quelque sorte: d'abord la zone Euro puis le reste de l'UE. 

Hollande et Merkel sont d'ailleurs partis en croisade pour une plus grande intégration de chacun dans l'UE et pour le parachèvement non seulement d'un marché unique trans-américain mais aussi de la fusion des peuples européens. Le projet de Grand Marché ne peut en effet fonctionner que si les peuples ne présentent plus de dissimilarités, d'obstacles possibles à une plus grande fluidité des rapports commerciaux. Dans cette perspective, l'Allemagne jouera son rôle de porteur du "fardeau" de Washington, l'unification de peuples aussi divers et aux Histoires uniques se menant par l'introduction d'éléments culturels exo-européens: sans aucun outil d'assimilation, l'immigration clandestine massive en provenance d'Afrique et du Moyen-Orient jouera un rôle déstructurant au plus grand profit des multinationales et des politiciens. 

Pour être clair sur ce point: si une nation est la transcendance d'un peuple à travers un certain nombre de valeurs (liberté, égalité, fraternité, laïcité pour la France), peuple unifié par la mémoire de son Histoire alors il suffira simplement de diluer cette mémoire par des coutumes, des traditions, des croyances sans aucun rapport avec le passé du peuple hôte pour tendre à son effacement et c'est exactement ce qui est fait et est constitutif du projet américain. 

Sur un autre plan, l'agression à l'encontre de la Russie se poursuit avec d'une part l'enlisement du conflit en Ukraine et une partition désormais de facto du pays. L'Ukraine de Poroshenko privée du Donbass et de la Crimée est devenue un Etat vassal inscrit dans l'expansion de l'Otan à  l'orée de la Russie et cette stratégie de Washington peut déjà être considérée comme une réussite. Cette tentative d'affaiblissement de la Russie reste aussi et plus que jamais coordonnée à d'autres terrains d'opérations, la Syrie en tête. 

Des deux alliés de la Russie, la Syrie et l'Iran, la première semble la plus vulnérable et cette gestion du chaos peut correspondre à deux objectifs cumulatifs ou alternatifs. 

La première hypothèse repose sur une reconfiguration des pipelines dans la péninsule arabique avec pour socle une Arabie Saoudite reconfigurée mais stabilisée. L'idée serait d'amener gaz et pétrole vers la Turquie et l'Europe à travers un itinéraire passant par un Etat irakien sunnite et un Kurdistan nouvellement créé et financé par les USA empiétant sur le Sud-Est de la Turquie, le Nord-Est de l'Irak, le Nord-Ouest de l'Iran et une petite partie du Nord de la Syrie. 

Cette stratégie permettrait de couper l'approvisionnement russe en gaz/pétrole de l'UE et de rendre cette dernière de ce fait plus dépendante de la sphère américaine (gaz de schiste et OPEP) toute en affaiblissant Moscou dont le commerce extérieur repose encore pour une grande partie sur l'Ouest européen. 

Outre la reconnaissance d'un Kurdistan vassalisé mais stable, la contrepartie d'un tel plan sera l'émergence d'un califat avec pour capitales Médine et la Mecque.(cf http://visionsetperspectives2020.blogspot.fr/search?updated-max=2015-05-20T05:46:00-07:00&max-results=7&start=4&by-date=false). L'intérêt pour les USA serait à la fois d'obtenir un nouvel Etat proxy, le Kurdistan, tout en contenant l'EI dans un Etat bien défini et reconnu de facto par Washington. 

Un Iran affaibli, une Syrie bénéficiant d'un changement de régime de type "démocratie islamiste" à la tunisienne et Washington serait en bonne place pour d'une part faire sortir la Russie de la région mais aussi peser dans la fourniture de gaz vers la Chine. 

En rompant le pipeline entre l'Iran et le Turkménistan, les USA pourraient faire en sorte que la Chine se réapprovisionne auprès du Qatar ou à toute autre fournisseur du GCC (Gulf Cooperation Council) voire à terme auprès d'Israel, du Liban et de la Syrie compte tenu des réserves découvertes dans le Bassin du Levant. 

Même si ce scénario suppose une course contre la montre pour empêcher la Russie d'augmenter ses livraisons de gaz à Pékin, cette reconfiguration de la péninsule permettra aussi une exportation des djihadistes de l'EI vers le Caucase et l'Asie Centrale. Il n'en reste pas moins que tout repose sur une Arabie Saoudite stable, ce qui est loin d'être le cas en l'état. 

La synthèse d'un wahhabisme rétrograde et d'une monarchie absolue apparaît pour le moins délicate. La communauté chiite de l'Est du pays est en mesure de faire sécession dès qu'elle entreverra une brèche dans le pourrissement de la guerre au Yemen ("operation storm of resolve"). Dans un conflit l'opposant aux houthis chiites (Ansarullah) de l'Est du pays et soutenus par l'Iran, Riyad devra être attentive aux risques de déstabilisation d'Oman suite à la succession du roi Qaboos et parer à toute intervention sur sa frontière sud-est en cas de révolution islamiste financée par le Qatar et la Turquie ou de mouvement sécessionniste de type iranien (république islamiste).    

Une telle trame recèle plusieurs inconnues pour Washington et il semblerait qu'elle se contente d'une gestion du chaos dans la zone en faisant avorter ou différer les projets de gazoduc de la zone impliquant la Syrie et l'Iran et par extension la Russie et la Chine. 

L'immédiat sera l'objectif de mise hors d'atteinte de la Syrie dans sa participation à " l'Arab Gas Pipeline" reliant l'Egypte à la Turquie et passant par la Jordanie et la Syrie (Homs). 

L'affaiblissement de la Syrie reste alors crucial dans l'isolement de l'Iran et de la Russie. La tentative de manoeuvrer l'Iran dans le nucléaire civil n'a pour seul but que de saboter les acheminements de gaz vers le Turkménistan, la Chine (Xinjiang), le Pakistan et l'Inde. 

La récente intervention de la Russie fut-elle autorisée par l'ONU apparaît alors comme le piège désespérément tendu du Pentagone d'un enlisement possible de Moscou et d'un dérapage inévitable consubstantiel de ce modèle de conflit par Etats interposés.

A suivre

     

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