Prédation économique,
bipolarisation du monde
(l’étau se resserre- 2ème
partie)
Un marché digne de ce nom
réagit à l’inflation d’une seule manière: en cas de hausse des prix, les taux
d’intérêts augmentent.
Une demande de consommation/d’investissement
croissante, directe ou indirecte (par les coûts à travers l’énergie et les
matières premières) ou une masse monétaire accrue (plus de monnaie en
circulation par une hausse des revenus et l’augmentation de crédits) auront le
double effet d’une augmentation des prix d’une part et d’une baisse de
l’épargne d’autre part.
Si les agents économiques
consomment plus, ils épargneront donc moins (moins de dépôts, plus de retraits
de livrets bancaires ou d’assurance-vie) ce qui bénéficiera aux entreprises et
aux salariés aux dépens des rentiers (banques, fonds de placements). Ces
derniers, afin de réorienter cette liquidité vers les placements, chercheront à
en accroître l’attractivité par un relèvement des taux d’intérêt, eux-mêmes
renchérissant in fine les prêts. Autrement dit, lorsqu’il y a inflation, les
taux d’intérêt augmentent.
Inversement, quand il y a
désinflation (baisse du taux d’inflation) ou déflation (baisse des prix), la
courbe des taux fléchit. Une épargne importante déterminera la demande de
consommation qui se tendra de nouveau, l’utilité de placer ses liquidités étant
redevenu faible.
De ce petit rappel, le
grotesque de la situation depuis 2008 est évident. Les prix ont en effet continué
à grimper dont notamment ceux du gasoil, des fruits et légumes et de
l’immobilier. Alors que les taux auraient dû être relevés par un refinancement
plus couteux de la BCE, ceux-ci sont restés bas à l’instar de la politique menée
par la FED. Par nécessité d’apurer leurs bilans de créances douteuses, la BCE s’est
empressée de reprendre ces titres directement ou indirectement (via les MES et
FESF) ayant ainsi le double effet d’une part d’accroitre le niveau de son bilan
et d’autre part d’abonder en liquidité les caisses des établissements de crédits,
leur offrant la possibilité à vil prix de nettoyer leurs comptes.
Ententes pleines et entières entre
banques centrales et privées, entre BCE et marchés financiers, la combinaison
entre une surliquidité et son corollaire indispensable, l’absence de prêts à l’économie
réelle a mené à ce non-modèle qu’est la stagflation à savoir une croissance
quasi-nulle et une inflation contenue.
Pourquoi en effet relever les
taux et réorienter la monnaie vers l’épargne alors que les banques n’en ont absolument
aucun besoin depuis l’ouverture au milieu des années 1990 des marchés à la
finance débridée ? Ce semi- arrêt des emprunts aux ménages et aux entreprises
(principalement celles qui ne peuvent faire appel public à l’épargne soit les
PME) permit de facto de renchérir le loyer de l’argent (si vous empruntez
300000€ à 3% avec un apport de 50%, le taux ne sera donc pas de 3% mais du
double, l’opportunité de placer les 50% ayant disparu !) et d’éviter le
spectre de l’hyperinflation à savoir la non-corrélation entre la valeur de la
monnaie et celle des biens : quand vous avez un PIB de 2000 Mds€ et une
masse monétaire de 100 000 Mds€, l’économie réelle ne vaudra que 2% de la monnaie
en circulation ! les 98% autres ne valant plus rien !
Verrouillage de l’accès aux
crédits, refinancement des banques privées aboutissant à la fameuse trappe de
liquidité, politiques d’austérité visant à renflouer les finances publiques
sans prise en compte des effets démultiplicateur
sur la consommation, chômage massive (25 Millions de demandeurs dans l’UE …..en
2012 !), voilà donc l’état de l’UE en cette fin de 2014 !!
A cette faiblesse économique s’ajoute
une faiblesse politique comme l’ont montrée les derniers sommets de l’APEC
(Asia-Pacific Economic Cooperation) et du G20, dichotomie désormais claire (mais
non achevée) entre le bloc américano-occidental et celui des BRICS. Outre la
dimension pathétique des médias à se centrer sur la « figure isolée et
faible » de Vladimir Poutine, nous pouvons qu’être dubitatif sur la santé
de nos démocraties et l’étendue de nos libertés d’expressions, du moins celles autorisant
le débat citoyen !
Ce qu’il ressortit en premier
lieu de ces rencontres est le soutien officiel de la Chine à la Russie et en
particulier à Poutine (invité d’honneur de la Chine à l’APEC) contredisant le
rapprochement inexorable de Pékin vers Washington du fait même de leur
détention massive de bons du Trésor US. De nombreux méga-contrats ont donc été
signés avec Moscou et les banques chinoises ont offert à leurs homologues
russes l’accès à leurs crédits, banques russes actuellement sous la coupe des
sanctions occidentales. A ce volet commercial s’est ajouté la décision d’exercices
militaires (sol et mer avec création d’unités de commandes conjointes) ce qui
parfait une évolution entamée par la mise en place de structures supranationales
à savoir : le SCO (Shanghai Cooperation Organization), le CSTO (Collective
Security Treaty Organisation) et le EEU (Eurasian European Union).
Pour rappel le SCO a été institué
en 2001 et réactivé cette année par le fait de l’agressivité de l’OTAN dans
l’affaire ukrainienne. Il comprend, outre la Chine et la Russie, les Etats de
la CEI d’Asie Centrale: Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan. Il
ne s’agit ni plus ni moins d’une coopération directe entre la Chine et la sphère
russe à travers différents organes, un budget propre et un secrétariat pour des
objectifs de sécurité et économiques.
D’un côté des exercices militaires
conjoints sont menés autours des questions du terrorisme et du séparatisme, de
l’autre des projets géo-économiques sont nécessaires à l’indépendance de ses
membres: gaz, hydrocarbures, ressources d’eau sont des axes de réalisation pour
une mise en commun de la prospection, projets soutenus par une banque du SCO et
par le développement d’un « energy club » (sous l’impulsion de la
Russie.). Géo-économie, lutte contre le terrorisme ne sont cependant que les éléments
d’un plus vaste ensemble, celui d’une organisation de défense commune dont le
CSTO préfigure un devenir sino-russe.
L’Organisation du Traité de
Sécurité Collective (OTSC en français) regroupe la Russie, la Biélorussie,
l’Arménie, le Kazakhstan, le Tadjikistan, et le Kirghizistan. Créée le 7
octobre 2002 et effective depuis le 18 septembre 2003, il s’agit clairement d’une
structure de type Otan à vocation militaire dotée de différents niveaux dont une
DCA commune, une force d’intervention rapide, des missiles russes en Biélorussie
et dans l’enclave de Kaliningrad, des systèmes radar en Crimée, Transnistrie, Caucase,
Abkhazie et Ossétie du Sud, etc.
La Chine pourrait aisément s’unir au CSTO soit
par des rencontres directes sur des questions stratégiques soit indirectement sur
des enjeux économiques et douaniers dont l’EEU ou Union Eurasienne, alors étendue,
couvrirait cette nouvelle route de la soie des frontières de la Biélorussie et
de l’Arménie aux côtes chinoises.
Montée en puissance d’un bloc
alternatif et bicéphale contrôlant 20% des réserves pétrolières mondiales et
50% des réserves gazières, l’UE et la France sont ainsi à la croisée des chemins et seront
contraintes à se redéfinir dans une histoire qui tend étrangement ces derniers
temps à s’accélérer.